27 septembre 2024

Comprendre le fonctionnement des sols : un nouvel horizon pour les aménageurs ?

Saviez-vous qu’une cuillère à café de terre en bonne santé contient plus d’organismes vivants qu’il n’y a d’êtres humains sur Terre ?

Ou qu’il faut environ 1000 ans pour construire un centimètre de sol naturel ? Difficile à croire ? Pourtant, si le champ des recherches sur le sujet est encore vaste, plusieurs résultats ont mis en évidence le fonctionnement complexe des sols et les différents services qu’un sol en bonne santé peut rendre à l’Homme.

Sophie Joimel, écologue, maître de conférences à AgroParisTech travaille sur ce sujet au sein de notre programme de recherche “Inscrire les villes dans les limites planétaires”. Ses recherches pourraient ouvrir la voie à une meilleure prise en compte des fonctionnalités écologiques des sols dans le cadre de projets de restauration d’espaces naturels ou urbains.

 

S’inspirer des sols naturels pour créer des écosystèmes urbains multifonctionnels

Un sol est dit “fonctionnel” quand il assure pleinement son rôle de recyclage de la matière organique, de support de vie biologique, de rétention d’eau… Pour cela, il doit être vivant.

Avec ses collègues, la chercheuse en écologie étudie les dynamiques de la biodiversité dans les sols urbains en lien avec les méthodes d’entretien et de gestion pratiquées en surface : comment et pourquoi le vivant arrive, s’installe et quelles sont les conditions pour qu’il perdure dans les sols ?

 L’objectif de ses recherches et de leurs développements en génie pédologique (mise en place des technosols [Lien vers article 1]) est de comprendre comment obtenir ou reproduire en ville un fonctionnement écologique similaire à celui des sols naturels.

 

On dit qu’un sol est fonctionnel si ses paramètres physico-chimiques et biologiques lui permettent d’assurer ses différents rôles en termes de fertilité, d’accueil de la biodiversité ou de rétention en eau ainsi que l’ensemble des services écologiques qui en découlent. Par exemple, les vers de terre dans un sol assurent sa structuration en créant notamment des cavités lui permettant de mieux infiltrer et stocker l’eau de pluie.” précise la chercheuse.

 

Pour Sophie Joimel, s’intéresser à la vie des sols est un préalable important et nécessaire à la végétalisation des villes. Ses recherches montrent notamment qu’il existe une grande variabilité des sols en milieu urbain, caractéristique que l’on ne retrouve pas en milieu naturel. On les distingue par leurs paramètres abiotiques (compaction, contamination, pH très variables, forte anthropisation…) et leurs paramètres biologiques. Car si on s’attend à retrouver une biodiversité plus faible dans les sols urbains, ce n’est pas toujours le cas.

 

Les collemboles, petits arthropodes de moins de 2 mm, peuvent être plus présents dans les sols urbains car ces derniers concentrent beaucoup de matières organiques. Or, les collemboles sont une espèce qui contribue positivement à la qualité des sols, notamment en créant des microporosités et en dégradant la matière organique pour des sols plus fertiles. D’autres espèces plus sensibles aux pollutions ou à la modification de leur habitat auront plus de mal à trouver leur place en ville.”

 

Intégrer la vie du sol dès la phase de conception des projets

 

Julien Perrin, responsable de la marque Equo Vivo chez VINCI Construction, s’intéresse particulièrement à cette question de la prise en compte de la vie dans les sols pour la durabilité des projets de restauration de milieux urbains ou naturels.

 “Le temps long consacré à la restauration des écosystèmes est nécessaire. Faire revenir de manière durable la biodiversité sur un espace renaturé doit passer par un travail sur le sol, pour le rendre vivant et de nouveau fonctionnel.” souligne t-il. 

 

Sur les chantiers, les ingénieurs d’Equo Vivo essaient de valoriser et de réemployer au mieux la biomasse qui se trouve sur place. Par exemple, les produits issus des travaux forestiers de début de chantier peuvent être valorisés pour amender et enrichir les sols, sous forme de broyats, notamment sur les sols pauvres en matière organique. Parfois, le sol est aussi reconstitué avec de la terre végétale ou avec des solutions de complément de type compost.

Selon Julien Perrin, le sujet des sols vivants et de leur importance sur la durabilité des projets n’est pas encore systématiquement abordé dès la phase de conception des projets et intégré dans les calendriers de chantier.

 

“Mais on sent le sujet se développer, faire l’objet de groupes de travail et de réflexions auprès des scientifiques, des filières d’ingénierie ou du génie écologique, des bureaux d’études, des entreprises” poursuit-il. 

 

De son point de vue d’expert, la restauration de sols vivants est aujourd’hui un enjeu majeur et les projets en ce sens se développent beaucoup, sans que la compétence d’ingénierie ne soit assez développée et dense sur le territoire pour répondre à toutes les demandes. Il s’intéresse aux recherches menées sur ce sujet, notamment pour être en capacité d’argumenter auprès des maîtres d’ouvrage sur leur intérêt à prendre en compte l’ensemble des services rendus par ces écosystèmes restaurés.

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