27 septembre 2024

Comment fonctionne le végétal en milieu urbain ?

L’éclairage de la recherche pour des aménagements optimisés.

Face aux changements climatiques et au défi d’aménager des villes plus résilientes et respirables, l’introduction du végétal en milieu urbain est perçue comme une solution aux multiples atouts : rafraîchissement de l’air ambiant, amélioration de la qualité de l’air, impacts positifs sur la santé mentale et sociale des citadins… Mais quels sont les critères à respecter pour que la nature puisse nous rendre pleinement l’ensemble de ces services ?

Dans le cadre de notre programme de recherche « Inscrire les villes dans les limites planétaires », Erwan Personne, enseignant-chercheur à AgroParisTech, physicien de l’atmosphère et expert en micro-climat, s’intéresse précisément à la question du végétal en ville pour ses bénéfices microclimatiques et ses incidences en matière de qualité de l’air.

Ses recherches visent à comprendre les mécanismes de fonctionnement des plantes en interaction avec le milieu urbain, l’eau et l’atmosphère, pour déterminer les conditions optimales pour des aménagements de nature assurant pleinement leur rôle de régulateur des températures et de la qualité de l’air.

 

La régulation biologique du climat en ville : un phénomène complexe

Les dernières canicules et les prévisions d’augmentation des températures font du développement de zones tampons de rafraîchissement en milieu urbain une question cruciale.

“Jusqu’à 37°C, la chaleur est inconfortable mais cela reste vivable. En revanche, la thermorégulation humaine n’est pas très performante pour régler les excès de chaleur au-delà de 38°C. C’est pour cela que quelques degrés en moins peuvent être décisifs” souligne Erwan Personne.

 

En période de fortes chaleurs, les arbres en ville sont une source d’ombrage, ce qui permet de réduire la chaleur ressentie. Mais ce n’est pas tout. Leur interaction avec l’eau présente dans les sols est essentielle. Connu sous le nom d’évapotranspiration, il s’agit d’un phénomène complexe qui permet aux arbres d’absorber l’eau à l’état liquide dans le sol et de le transformer en vapeur d’eau, rafraîchissant ainsi le microclimat ambiant, à l’image d’un climatiseur naturel. ​​

Selon l’Office National des Forêts, la quantité d’eau rejetée à travers le phénomène d’évapotranspiration par un chêne par jour peut aller jusqu’à 1 000 litres d’eau, elle peut être de 75 litres pour un bouleau.

Erwan Personne et son équipe démarreront prochainement une étude portant précisément sur la modélisation des besoins en eau de la végétation en ville.

 

“Notre postulat de départ est que la végétation en ville n’a pas les mêmes besoins qu’en milieu ouvert, elle nécessite davantage d’eau car la température est plus élevée en milieu urbain et l’air y est plus sec : la transpiration des arbres y est donc plus forte.” précise le chercheur.

 

L’objectif de l’étude sera de proposer une modélisation de ce phénomène, à partir d’expérimentation de terrain, pour quantifier les besoins en eau de différents types de végétation en milieu urbain pour assurer au mieux leur fonction de climatiseur. Plusieurs paramètres seront pris en compte : vent, humidité relative, rayonnements solaires, quantité d’eau à disposition dans le sol, configuration des plantations, vie dans le sol… 

Une recherche qui fait écho à l’offre de rafraîchissement urbain et de gestion des eaux pluviales Revilo proposée par VINCI Construction et qui a déjà été mise en œuvre sur plusieurs chantiers en cœur de ville, comme au Parc des expositions de Montpellier ou sur la place Boiran à Nice. 

David Rybojad, chargé de développement commercial chez VINCI Construction, explique comment la compréhension de ce phénomène d’évapotranspiration et la volonté de gérer l’eau de pluie à la parcelle en créant des surfaces d’infiltration est au coeur de l’offre Revilo :

 

“L’offre Revilo s’appuie sur trois piliers : le type de revêtement pour plus de perméabilité et l’obtention d’un albedo élevé ; le végétal avec des strates hautes, moyennes et basses permettant le rafraîchissement de la ville par ombrage et évapotranspiration ; et enfin la gestion des eaux pluviales pour aider à la croissance des végétaux et favoriser le phénomène d’évapotranspiration” précise t-il.

 

Parc de la Loubière, Toulon (Var) – Revilo – Vinci Construction

 

Nature en ville : quels impacts sur la qualité de l’air ?

Le lien entre pollution de l’air et configuration de la végétation en milieu urbain est également une question centrale dans les recherches d’Erwan Personne.

 

“La qualité de l’air en ville est souvent améliorée quand les espaces végétalisés sont bien conçus, mais ce n’est pas toujours le cas” précise le chercheur.

 

La végétation n’est pas systématiquement un facteur favorable à la qualité de l’air, l’effet obtenu pouvant même être inverse selon l’aménagement réalisé. D’après le chercheur, lorsqu’il y a une source de pollution (de type automobile) et que des arbres sont placés au-dessus de cette source, formant un tunnel végétal, les gaz d’échappement seront enfermés sous les arbres et cette configuration représente un facteur d’accroissement de la pollution. Si au contraire le ciel est ouvert, sans végétation haute, cela permet d’évacuer la pollution de l’air plus rapidement. À l’inverse, si des haies sont apposées de chaque côté de la source de pollution, elles peuvent jouer le rôle de véritables barrières naturelles qui protègent les passants de la source de pollution.

Un second facteur influençant la qualité de l’air est le choix des essences. Tout d’abord parce que certaines espèces d’arbres peuvent représenter un risque allergique potentiellement fort pour les habitants, mais aussi parce qu’en entrant en contact avec d’autres polluants présents en milieu urbain, elles peuvent être à l’origine de réactions chimiques pouvant entraîner une plus forte pollution de l’air.

 

“Sous l’effet du rayonnement solaire, certains arbres, en particulier les épineux, peuvent être émetteurs de précurseurs de certains composés organiques volatils (COV) (notamment de la famille chimique des terpènes) qui, en présence d’autres composés tels que les oxydes d’azote (NOx) présents dans les gaz d’échappement des voitures, peuvent favoriser la fabrication d’ozone, ayant un impact négatif sur la pollution de l’air.” conclut le chercheur.

 

L’originalité des sujets de recherche portés par cette équipe est d’expliquer, par les sciences physiques, le fonctionnement des plantes avec son environnement urbain en prenant en compte l’ensemble des facteurs biologiques, chimiques, hydriques dont elles dépendent fortement comme l’eau disponible, la nature des polluants en contact, la situation géographique, la morphologie urbaine, le type d’aménagements des végétaux…

Les modélisations qui seront produites pourraient devenir une source de connaissance utile pour la création des futurs aménagements de végétalisation urbaine, à l’instar de ce qui est déjà en cours avec l’offre Revilo. C’est tout l’enjeu du lab recherche environnement et du partenariat entre VINCI et AgroParisTech, Mines Paris-PSL et l’Ecole des Ponts ParisTech . Il permet aux filiales de VINCI de bénéficier de l’expertise des chercheurs et des résultats de leurs travaux, et à l’inverse ces derniers accèdent à des terrains d’expérimentation dans un objectif de recherche appliquée. De la recherche à l’opérationnel, il n’y a qu’un pas !

Pour aller plus loin
Chercheur
Erwan Personne
Professeur des universités
AgroParisTech
SIAFEE
biodiversité
Concilier la nature et la ville, milieu hautement artificialisé, est un art qui se pratique de l’échelle du bâtiment à celle du territoire périurbain, en passant par celle du quartier.
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